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mardi 1 novembre 2016

guide des quartiers de Melbourne

Melbourne est la deuxième ville d'Australie,capitale de l'État du Victoria et communément admise comme un haut lieu culturel, de goût et de charme. La ville la plus européenne d'Océanie est une séductrice passionnée aux nombreux atouts. Je me permet ici de vous décrypter mon Melbourne, quelques unes des adresses que je fréquente et les souvenirs qui y sont attachés.

Au premier abord, on peux se laisser impressionner par les gratte-ciels et le flux de passants cosmopolite (beaucoup d'asiatiques et d'indiens en plus du traditionnelle éclectisme d'européens). J'aime l'esprit de quartier qui se structure entre les parcs et l'enracinement culturel historique.
Le CBD (central business district/centre ville) est contenu dans un rectangle bien organisé en avenues principales perpendiculaires parcourues par des trams devenus gratuits depuis le 1er janvier. Il y a de l'espace pour respirer et on ne se sent pas oppressé par le trafic. La vraie magie de Melbourne, c'est ces ruelles coincées entre deux bâtiments qui contraste les grandeurs, ces galeries souterraines inespérées, ces bars rooftop (en toiture), ces quais pavés et surtout son ambiance de vie. Les quais de la Yarra river sont bordés d'innombrables terrasses. Vous pouvez aller siroter un verre autour d'un pilier de pont (ponyfish island), flâner autour de la national gallery of Victoria ou s'enfermer dans l'intemporelle ville dans la ville du Melbourne's Crown casino. J'adore la state library of Victoria, quelque chose de vieux et d'imposant donne la profondeur nécessaire aux manuscrits, les tableaux, l'armure de Ned Kelly, les étagères en bois... une bibliothèque qui impose et qui allie connaissances histoire et art en un même lieu. Des expos exceptionnelles sont à découvrir dans la gallerie Murdoch à l’intérieur du bâtiment.
Juste en face, se trouve la Central station, une fourmilière étendue sur au moins 5 niveaux qui ressemble plus à un centre commercial qu'une gare mais donne l'impression d'être à extérieur. Une gigantesque pyramide vitrée chapeaute une ancienne tour de bureau de poste en pierre et un marché couvert imbriqués à l'épicentre les centaines d'échoppes.
Je ne pourrais pas vous énumérer l'énormité du centre sans passer sur des must-see, alors je vais simplement m'arrêter là sans vendre de mèche. Juste un conseil avant de visiter la lune, visitez Melbourne.

Ma journée type se résumerait à flâner dans un coin de la ville en buvant mon black coffee à 1$ du 7/11, atterrir dans une expo improbable dans un musée, trouver de nouvelles idées dans toutes ces influences, me balader dans les parcs et parler aux inconnus. La timidité est un complexe terrible. Elle provient des conséquences redoutées d'une réaction décevante de l'inconnu. 
''L'important c'est de s'en foutre'' comme l'écrit Jean d'Ormeson pour son remède à la mélancolie. Je peux vous assurer que la mélancolie est une chose qui se choisi et qui va de paire avec celle que l'on veut bien avoir entre les jambes pour tenter des approches pareilles. Une bizarrerie curieuse et une expérience sociale formatrice. J'endosse un personnage comme un Jonathan de L Gounelle dans "le jour où j'ai appris à vivre" Cette aisance de communication avec les gens me rend léger et décontracté. Et qu'est ce que je peux en faire des rencontres!

Voila le terrain :
Carlton c'est la petite italie, vous ne trouverez que des restaux et des épiceries italienne authentique, ombragés sous les haut-vent . Il y a deux kebab tout au bout et on m'a dit qu'il en a un meilleur que l'autre (forcement). Le problème c'est que je n'ai jamais sut déterminer lequel parce que je ne me souviens jamais où j'était allé la dernière fois. Je dois aussi parler des 24 hectares du parc Carlton garden avec ses petit anges qui pataugent le zgeg à l'air en face d'un monument qui ressemble au parlement de Budapest. Un havre de couleurs et de fraîcheur aux abords du centre.

Fitzroy c'est ma base. C'est au bout de Brunswick St que je squattais dans l'hotel Derby (merci Chrichri et Morgane!) à l'étage d'un pub sportif de seconde classe. Pour aller au centre ville je descendais cette grande ligne droite, cette rue à laquelle je suis attaché parce que j'en connais la population, les boutiques, les croisements... Le tram' de la ligne 11 roule en grinçant devant la tripotée de bars, restos et boutiques (sex shop pour SM, articles de fête, habits artisanaux, disquaires, art shop, brocanteurs...). Je me sens moins extraterrestre ici. Ca viens des origines du jadis faubourg. Quand on remplace un arbre par un autre, on ne change pas le sol, et les gens sont accrochés à la terre. C'est un ancien quartier populaire où il valais mieux tenir fermement sa montre à gousset. Mais dorénavant rénover des zones ex-craignos c'est à la mode, ça fait rebelle (même si c'est après la bataille) et puis baigner dans un bain créatif fait rêver, cette essence artisanale qui viens d'en bas inspire les gens en quête de swag. La diversité représente l'amour des gens d'ici pour créer un cosmopole agréable. Je vous conseille d'aller au bar tapas (naked for satan), c'est pas cher, super bon et la vue du CBD sur le toit vaut le détour. Le black cat est un cocon de tendresse rétro fabuleux pour serrer chaudement l'anse d'une tasse. Le Evelyn Hotel a ses concerts, l'Alchemist est la rencontre baroque du chignon à broche de veston dorée... Quand je repense à toutes ces enseignes en constante métamorphose j'en ai les yeux qui brillent. C'est ça la créativité. Tu vis, tu meurs et au final les gens se souviennent du bon temps passé, pas de l'ancienneté. Je suis sûr que dans 10 ans je ne reconnaîtrai plus les cafés, mais l'odeur qui traversera la route entre le crissement des rails restera pour toujours.
Collingwood est bien branché, Ancien quartier de logement sociaux qui se métamorphose avec l'art de rue et l'expression ouverte de la culture. Vous pourrez trouver un restau a tacos avec un bowl de skate board dans une cage à l'intérieur (beach burrito), un fast food artisanal dans une rame de tram posée sur un bâtiment de 3 étages (easey's). Ce coin est cool, tu peux jouer à la pétanque en intérieur à l'étage dans un bar, passer à un électro picnic (set électro en plein après midi) et te taper une glace artisanale de chez Messina. Si j'étais un hipster c'est dans ce block que je viendrais me faire tailler la barbe et m'essayer a des immersions culturelles farfelues.

St Kilda c'est la plage de la ville avec l'ambiance balnéaire du sable qui roule ente les tongs et les cafés terrasse relax, tout ça à 30min de tram du CBD. Il y a beaucoup de français dans ce quartier qui vit et semble plus abordable à habiter que le centre tout en offrant le fun quotidien de la ville et le goût des vacances à la mer. Un marché artisanal avec des animations gratuites de troubadours ambulants prends place vers les (intéressants) jardins communs (le jeudi soir il me semble). Les hippies nomades en galère vendent des colliers et s’entraînent aux acrobaties pour une petite pièce. Il y a l'incontournable parc d'attraction luna park avec sa tête flippante de clown géant en guise de porte d'entrée qui délimite la fin de l'esplanade touristique, bordée d'une piste cyclable traversant une bande de verdure côtière. La rue de la fête c'est incontestablement chapel street où le revolver -une boite de nuit- reste ouverte non stop du vendredi soir jusqu'au lundi matin. Si jamais il vous prends l'envie de danser un dimanche matin, vous savez où trouver une rave hardcore interminable. 


Keilor dows. J'ai habité dans ce quartier moyennement bien réputé pendant environ 2 mois. Il y a le complexe sportif piscine spa muscu boxe juste à coté de Carbine Way et de la green gully reserve. A part ça, il n'y a rien à faire sinon pousser la planche au skate park et rester cloîtré dans cette maison froide aux odeurs de curry. Sérieux, c'est Bollywood dans le salon. Entre les prières Hindoues et les épices qui brûlent le sphincter dès le petit dej, j'oublie presque qu'on est en Australie. Toute ville a ses banlieues et ici les Albanais, les Croates et les Indiens tiennent la barre. 


En un an, j'ai bien vadrouillé dans ce pays. Très bien même. J'aimerais me poser sereinement dans un appart avec quelques habitudes, mener ma petite vie tranquille et mettre de côté pour payer quelques extras. Je sens que la braise fougueuse du vagabondage se terni et que j'ai besoin de m'attacher à des automatismes de vie, pour un instant ou un peu plus, qui sait?

mercredi 24 février 2016

Tasi suite

Contrairement à l'image qu'il dégage, le culot n'est pas un défaut, il mène à de magnifiques rencontres.

Fatigués et à la fin du treck de L'Overland track, on essaye de rejoindre la route principale pour faire du stop et rejoindre Hobbart, la plus grande ville de l’île. Vu l'état dans lequel on est, il est fort probable que personne ne s'arrête pour transporter 2 backpackers boueux pour 3h de trajet. Je m'approche d'un couple d'une cinquantaine d'année et leur expose nos plans. L’apitoiement ou la gentillesse de ces quinquagénaires nous amène jusqu'aux porte d'un YHA (auberge de jeunesse) qu'ils ont recherchés pour nous. Le mec est un ancien compétiteur international de parachutisme, il a tenu parole et il est allé boire un verre dans le restau de Tristan à Melbourne quelques semaines après. C'est ce type de rencontre qui fait la joie des voyageurs, pas un quelconque trajet en bus.


En rentrant du pub irlandais ou on était allé se remplir d'une série de plats non déshydratée on rencontre Jane, une canadienne qui loge au même hostel que nous. Avoir un peu de compagnie de voyage après cette longue trêve de contact social nous charme et elle à l'air facile à vivre. On a pour projet de partir demain matin pour un périple sur la côte. Elle s'incruste à notre recherche de subtil éclat d'aventures, de cocktails pédestre et découvertes. Notre joyeuse troupe autostope au petit matin pour le parque National de Freycinet dans le Sud Est. On nous a maintes et maintes fois conté les louanges de cette région costale. Je suis a fond, je sais que l'on va trouver des ballades sympas bien loin de l'effort que l'on viens de terminer dans le Craddle NP. Il nous faudra 3 bus et 5 voitures différentes pour atteindre cette péninsule charismatique plus connue pour l'iconique plage de Wine glass bay. Certaines portions de voyage resteront épique grâce à la personnalité de certains conducteurs. On tombe sur un rockeur type loubard authentique des années 70, qui débarque de nulle part, led zepplin à fond la caisse, veste en jean et lunettes de soleil qui ne laissent pas entrevoir son regard. Sans sourciller il mâchonne avec un accent un bref : "Vous allez où? - Coles bay M'nsieur" On monte et il reclaque aussitôt immigrant song à en décoller la stéréo des portières. Il conduit, imperturbable, négocie les courbes des côtes comme un pilote concentré. Un gênant 5 minutes sans un mot à échanger par ce que Jim Morrison miaule dans le Pioneer. Nos trois regards se croisent sans pour autant oser tourner la tête et je saisi alors le second sens de "mur du son". Ce mec est une légende de caractère. Sa langue se délie tout à coup et il devient vite notre pote, comme si la décharge de tension accumulée avait pu profondément dévoiler ces multiples facettes avec une générosité tasmanienne bluffante. On fait un pitstop dans un rade, comme pour dérouiller les éperons des santiags et reposer les bêtes, on joue au billard et on boit un coup ensemble avant d'arriver à destination. On a pas vu le temps passer. C'est un électron libre aux atomes crochus qu'on a pas envie de voir partir. C'est ça le rock, des collisions rapides et inattendues qui étourdissent et qui crachent le feu.


On nous a conseillé de monter le mont Amos faisant partie du massif des hazards. Une montée abrupte entre blocs de granit gris rosé à escalader et une appréhension difficile des surfaces patinée. Le but est de se retrouver sur le sommet pour admirer la toile qui se cache de l'autre côté de cette étroite péninsule et se relaxer dans un coin isolé pendant l'après midi.



Le soleil a décidé de nous accompagner toute la journée pour la plus belle des vue sur la plage de wine glass bay. Autrefois, cette ancienne plage commerciale pleurait rouge le sang des baleines que l'on découpait sur place, la teinte macabre se déversant sur le rivage arqué aux formes de verre ballon lui vaut son surnom (baie du verre à vin). Un bien sinistre blase comparable à Omaha beach en Normandie et sa red beach. Nous décidons d'un arrêt picnic, yoga et contemplation au sommet, nous scotchant quelques heures dans cet endroit majestueux.



 Nous descendons rapidement le versant Est pour se donner à une nage rafraîchissante alors que les derniers rayons de soleil se donnent en spectacle dernière les montagnes vermeille. Les taches de licken orange et les vagues qui dansent autour caressent le doux soupir du crépuscule. Pour engourdir le froid qui nous a envahit, je prépare une infusion d'herbes trouvées au long du chemin avec le réchaud de camping. La nuit s'allume sur les rochers de Coles Bay d'où on passe nos soirées à mater les étoiles et compter les nuages fauves. On tient l'instant.



C'est vraiment à faire, la Tasmanie. Les cailloux et les forêts, les choses qu'on y trouve ont une proportion différente, avec plus de profondeur, chez les gens aussi.

Nous faisons cap au sud, toujours sur la côte dans le Tasman national park, eaglehawk neck.
J'ai lu quelque part que la plongée est assez populaire grâce à la visibilité de ces eaux assez remarquable et que j'aurais peut être la chance de rencontrer des otaries ou des dragons de mer (weedy sea dragons) cette étrange créature colorée proche de l’hippocampe (mais en bien plus gros). L'eau est fraîche et la stabilisation avec la combinaison de 7mm est plus difficile que dans les eaux tropicales. Il faut un petit temps d'adaptation et surtout rester très calme. Le courant vacille périodiquement et chamboule le référentiel terrestre. Le fond est une forêt de grands varechs (algues) qui semblent immobile et ce sont les roches qui répètent la mesure du disque rayé de la houle. C'est troublant de se faire duper par un sol enivré qui défile sans que l'on bouge, c'est l'ivresse étrange que procure la mer à boire. Je me rends compte en arrivant au port que j'ai laissé mon téléphone dans ma poche pendant les plongées. Ne sait on jamais, en cas d'urgence j'aurais éventuellement pu appeler le capitaine Némo... La pêche à la ligne me fait découvrir que la portée des ondes GSM tombent à l'eau. On croise 2 dragons d'une quarantaine de centimètre nageant au ralenti et pas mal d'invertébrés colorés. Au retour j'aide l'instructrice à retrouver une pièce de bateau tombée dans la rade à 8m de profondeur. Elle a encore ces bouteilles contrairement à moi. Après une dizaine de plongée en apnée on abandonne, mes tympans aussi.





On va crapahuter sur le haut des falaises à devils kitchen, une arche en pierre s'ouvrant en grotte au clapotis profond puis on surplombe waterfall bay, le site de pongée de ce matin. Une cascade saute du plateau, faufilée entre les eucalyptus et se déverse dans les sombres eaux de la mer de Tasman. A cet endroit vous trouverez le plus grand réseau de grottes et passages souterrains d'Australie, un vrai dédale de gruyère!
Devil's kitchen n'est pas loin non plus. Une arche rongée par les vagues embrasse un reclus fermé et protège de la violence des courants qui frappe lourdement les clapotis de ces berges encastrées dans une caisse de résonance.
Je vous recommande les Tessellated pavements, une autre jolie ballade le long de la côte de eagle hawk. Si la marée est avec vous, les derniers rayons de soleil viendrons se refléter en cluster rectangulaires sous les embruns. Vous y verrez aussi de longs tapis de coquillages colorés roulant un bruit calmant cristallin de bâton de pluie. La pêche à la St Jacques et aux ormeaux (magnifique mollusque colorés appelé abalone) est une activité locale répandue, la qualité des produits de la mer est en général excellent.



De retour à Hobbart, chef lieu et ville la plus peuplée, on passe une fête de folie. Les deux loups inarrêtabes sont lâchés dans les bars jusqu'au bout de la nuit et y font de bonnes rencontres.

La grisaille extérieure nous attire à la dégustation de whisky de la distillerie Lark. On nous apporte 4 verres ravissant les papilles et mordant les lèvres d'un puissant baiser tourbé. Cette île dont tout le monde se fout a réussit à se faire élire parmi les meilleurs whisky au monde en quelques dizaines d'année. 17 000 km les séparent du berceau roi des écossais -ancestraux maîtres distillateurs- et un beau jour, un gars viens chambouler le paysage avec ces élixirs balancés exceptionnels. La mondialisation a permis l'échange de matières premières mais dans certains cas chauvins, le terroir prends une place aussi importante que le savoir faire -qui lui- se partage au grand plaisir de tous. Ici, on est loin des bobos culinaire des capitales qui s'astiquent le macaron avec des assemblages fantaisistes, le gout est dans le produit pas dans le panache de l'extravagance.

Tristan est repartit à Melbourne avant moi, j'avais pris un aller simple, je comptais aviser sur place au cas où un coup de foudre aurait provoqué l'envie de marcher un bonus de 90 km sur la côte coupée du monde du Sud Ouest. C'était dans mes projets et ça l'est toujours. Prendre éventuellement un zinc et se faire parachuter à Melaleuca puis suivre le sentier sauvage de la South West coast direction Est en totale autonomie, arriver 6 jours plus tard l'âme encore moins leste et le coeur grandi. Un autre challenge à garder dans un coin de l'esprit pour les périodes de songe et de recentrage...

L'ascension du Mt Wellington est vraiment à prévoir pour tout séjour à Hobbart. La vue au sommet est superbe et les tracés de montagne sont très jolis, passant par de petites cascades et des chemins verts. L'estuaire de Hobbart est bien ouvert et le dégagement qu'offre les pentes raides permettent un panorama intéressant malgré les hordes de photo-touristes bedonnant garés en tout terrain. J'ai un rythme soutenu sur les 18km que j’emprunte, ça grimpe mais j'adore voler au dessus des roches en courant. Je rêverais d'avoir une corde et des chaussons d'escalade. Dans les sous bois, j'aperçois avec joie un diable de Tasmanie, une sorte de blaireau à collier blanc à la mâchoire surpuissante, emblème de l'Etat en voie de disparition et plus gros carnivore d'Australie. C'était ma dernière occasion d'en voir en liberté et une fois de plus, la chance m'a souri.

Il existe un musée fou, un amas de non sens apparent, assemblé par la popularité du public et financé par l'extravagance désaxée d'un propriétaire milliardaire. Un lieu spécial où les règles du monde le l'art sont transgressées. La visite du musée de la MONA prends au minimum une demi journée et le transport par bateau militaire tagué et camouflé rose consiste une expérience artistique à elle même. Je pars avec une franco polonaise étudiante en art avec qui j'aime échanger nos interprétations et comprendre les différents regards sur les œuvres toutes plus folles les unes que les autres. En faisant un raccourcis, quasi tout les travaux tournent autours de l'industrialisation, l’Égypte antique, la numérologie, la merde et le sexe. Ça peux paraître étrange mais il y a un lien subtil à tisser entre tous ces sujets.

Voilà tout sur cette petite pointe dont tout le monde connait le diable mais peu parlent de sa terre qui est loin d'être un enfer. Je rentre à présent à Melbourne pour y travailler dur à l'aéroport, cet endroit où tout commence et où tout fini, où les langues se mélangent et les rêves se croisent. Je suis et je reste comme toujours, à l'intersection des mondes.





















lundi 18 janvier 2016

overland track


On définit un système par son évolution dans ses limites. En repoussant ses mêmes limites -que l'on découvre pas à pas- il est possible de se réjouir de cette nouvelle amplitude de vie et fixer les bonnes règles du jeu dans ces espaces vierge. C'est comme devenir soudain un oiseau avec en main les clés de sa propre cage.
On doit rejoindre le début de la randonnée dans le parc naturel de Craddle mountain en stop depuis Launceston soit 2h de route. On galère à trouver des gens qui nous emmènent jusqu'au bout du monde et il se fait tard. On se retrouve parachutés en fin de journée à Deloraine, un village folklo au milieu de rien pendant la saint Patrick. Nous décidons de faire le point sur la situation dans un pub irlandais en se rassasiant d'une pinte ou deux de guiness. On est clairement des intrus qui ne peuvent être que perdus (ou pas loin de l'être) avec nos sacs de rando et notre paquetage de grands vagabonds. Néanmoins, converser avec le cinq majeur des piliers de bar nous emmène sur la trace de belles histoires de rustres locaux au larynx fatigué et l’œil vitreux mais nous permet d'édifier la meilleure stratégie afin de parvenir à nos objectifs repoussés au lendemain. La joyeuse compagnie nocturne se prenant d'un élan de compassion collectif, un appel au covoiturage est lancé pour nous déposer plus loin sur la route vers un terrain campable. La serveuse décide de nous emmener à la fin de son service et nous offre de l'antigel et quelques douceurs pour notre rude épreuve, de quoi passer une bonne nuit dans un abris en bois du terrain de foot du hameau. Sérieusement, ce bled suranné est sortit d'un film. Au réveil, on replie la tente et on se positionne sur la route, déserte. Arrêtés dans le temps. Pas un bruit ne vibre dans la brume levante de Mole creek, a t'on commencé notre trek? Visiblement il ne faut pas compter être emmené rapidement, même la pompe à essence mécanique a eu le temps de rouiller. Finalement un grand gaillard en 4*4 nous fait monter dans son tank et prend les petites routes en terre "c'est plus long mais c'est plus beau -sic" et nous montre les recoins de sa campagne chérie, nous parle des roches, nous donne le nom et l'usage des plantes, décode le chant des oiseaux... C'est un bûcheron passionné par le partage de connaissance de son pays et amoureux de la nature. Dans sa folle jeunesse, il a monté un barbecue, des steaks et un fut de bière en haut de la plus haute montagne de Tasmanie pour un pique nique insolite entre potes (accessible après plusieurs heures de marche) et ainsi créé une légende locale que je me permet de transcrire ici.
Pour les 20 derniers km pluvieux, un employé de la poste nous amènera jusque dans le parc national pendant sa tournée en nous souhaitant du courage et surtout une bonne dose d'extase pour ce voyage.
L'impatience de commencer cette marche nous titille les godasses, on accroche notre permis au sac ne contenant que le nécessaire et nous voilà en face du premier pas, sans retour possible. Comme une première emprunte sur une planète mystérieuse, maintenant peut se graver notre histoire -peut être différente de ce que j'aurais pu imaginer.
Je ne connais pas vraiment le rythme de marche de Tristan, ce qui pourrait redéfinir les options du parcours. Le tronc commun minimum conseillé en 5 jours ne fait que 65km. Il serait dommage de passer à coté de tant de zones reculées sans s'y attarder un peu, trouver son coin de paix et ressentir l'exaltation qui anime tout explorateur. C'est comme si vous pensiez avoir visité un pays en l'ayant traversé par l'autoroute. C'est faux. Il faut se retrouver embourbé et contemplatif à la fois. Mais le plus intéressant selon moi réside dans la perte volontaire de ses limites dans l'effort. Il va de soi qu'il faut s'éloigner du tronc et jouer les équilibristes des fines branches pour se nourrir des meilleurs fruits. C'est pour ça que nous marchons. Pour ce mal libérateur que la fierté et la splendeur estompe. Nous vagabondons pour toucher crûment nos pensées, pour éclaircir des idées appelant à la solitude et au calme. Nous cherchons dans l'épuisement une lénification rêveuse et une récompense spirituelle au milieu de la pureté sauvage. Et c'est à un carrefour que l'intrigue prend des traits de magie et nous écarte de notre zone de confort. Les plaines marécageuses aux ambiances mystiques prennent soudain tout leur sens en nous projetant dans un univers fantastique. Catapulté au temps des légendes, il me semble par moments de ne pas appartenir au monde que je connais. Je veille à l'arrivée d'éventuels zombies ou gobelins en rentrant dans un bosquet croupi sans âge, ressort sur une vallée verdoyante miniature aux inspirations de Tolkien, hume l’âpreté de l'humus sous le craquement des branches

 
Craddle mountain est le sommet de Tasmanie par excellence. De par sa forme le panorama qu'il offre, il est spécial. C'est une chouette ascension qui se termine en section technique demandant du sang froid et du souffle. Il me semble que l'altitude aie dédrapé le manteau végétal de ce mordor de dolérite sombre bordé par le calme lac dove (le lac colombe), réfléchissant les gerçures et rides granuleuses que le temps à façonné. Le vaste toit apparaît sous une forêt de colonne étroite surgissant d'une mer de vapeur froide, suintant sur les imposants blocs angulaire erratiquement entassés dans l'escarpement difficilement devinable. On ne voit pas à plus de 30 mètres et on tâtonne les cubes a escalader, un à un, jusqu'aux aiguilles dressées en antennes, derniers remparts scindant les nuages et la terre. Nous sommes allé toucher le ciel et nous continuons ainsi notre rêve fougueux dans l'opacité de l'inconnu et dégrafons le voile de l’impalpable aventure, silencieux, profonds, conquérants.



On se désaltère pour la première fois à une source sauvage, ruisselant sur de la mousse émeraude. Je ne distingue pas si le scintillement cristallin provient des perles de l'eau ou bien du tapis de velours sur lequel elles prennent vie. Car en vérité nous sommes semblable à ces gouttes. C'est un sentiment libérateur que d'exister de cette plus pure des manières. Sans artifices ni fioritures. Ce qui est propre devient distinct du sain. Je retrouve en cette sobriété le rythme primaire de la danse entre l'âme songeuse et l'instinct. Et je cavale, et je bondis dans le plus simple des balais, accouché de la montagne pour en devenir un fragment, dévalant ses sillons pour en rejoindre le berceau.


Le crachat ambiant réveille nos grimaces crispées par l'inconfort de l'humidité. Cette saleté de flotte est rentrée dans nos godasses à force de traverser les rivières et marcher dans les flaques. Rien ne sèche vraiment dans les refuges, ni les chaussettes, ni les semelles (que je viens d'oublier de reprendre). L'inévitable condensation des vitres intérieure et l'intermittence de tiédeur du poêle surchargé d'habit trempés ne laisse pas envisager une amélioration de confort de marche futur.


Deux silhouettes enthousiastes disparaissent dans la brume s'épaississant, ballottant leur carapace comme de fiers escargots bédouins à deux bosses formant une caravane sans soie sur la route des pauvres, nous la gagnons un peu tout les jours.


Pelion hut
Nous avons pensé puis réévalué chaque soir nos plans, notre avancée, nos vivres et notre forme physique depuis les refuges dispatchés le long du parcours. Ce sont des chalets plus ou moins fruste avec des tables à l'intérieur et une capacité de couchage assez variée. On doit être une quinzaine de randonneurs à se croiser sur les chemins et a partager tantôt les mêmes chambres, chacun recherchant son repos et son moment d'intimité dans ces timides espaces assombris. On se réjouit d'être au sein de ce cocon de bois à boire nos soupes dans un simili silence où nous sommes une parfaite allégorie des porcs-épics de Schopenhauer.
Le froid et l'humidité de notre équipement semble ne jamais nous lâcher. Je ne pourrai jamais oublier l'inconfort frissonnant de l'enfilage des chaussettes froides et moites, grinçant la peau blanchie, fripée et malmenée.
J'entreprends un footing au lever du jour jusqu'à une cascade sur le chemin du mont Oakleigh que j'envisage de grimper puis, revenir prendre mon sac au refuge après le petit déjeuné à la soupe. Le petit poêle à charbon a rendu son dernier suffoquement de tiédeur il y a des heures, juste assez pour faire pleurer les vitres du refuge saturant la sueur des randonneurs revenus un peu plus tard de leur périple. Les chaussures, aussi étanches soient elles, sont inefficaces quand l'eau boueuse dépasse le niveau de la cheville. On doit marcher dans un ruisseau pendant 4 km sous la pluie qui ne s'arrête jamais. On ne prête même plus attention à la profondeur de nos pas dans ce bourbier interminable. Cette section est pénible et le flou de la pluie brouille la possibilité d'imaginer un horizon clair. Heureusement, bientôt la météo changera et nous pourrons goûter au plaisir de la marche dans des conditions optimales.


Le Mt Ossa est la montagne la plus haute de Tasmanie (1617m) et ressemble géologiquement à Craddle mountain, un sommet qui se termine en escalade abrupte et offre une superbe vue sur la pinestone valley. Pendant l’ascension, on a été pris dans une averse de neige balayé par un vent glacial. Il neige en Australie, je ne m'étais même pas imaginé ça possible à cette période! Nous atteignons le pic entre deux congestions arrivant par le Nord, ne laissant que quelques minutes pour observer le spectacle panoramique et redescendre.



Les occasions pour un brin de toilette se faisant rare (si on ne veux pas mourir de froid à se rincer dehors à la tombée de la nuit) je profite d'une pause au bord d'une rivière immaculée au pieds de la cascade Hartnett falls pour me dessaler la peau.


The labirynth est une marche optionnelle de 2h depuis le refuge de Pine Vallet hut, peu fréquenté, le chemin grimpe sévèrement dans la forêt jusqu'aux deux lacs à travers le plateau marécageux. On décide de couper dans les buissons pour attraper la vue panoramique d'un sommet adjacent. De notre sublime perchoir ensoleillé nous apercevons le lac St-clair, la dernière étape du treck. On ne distingue plus le point de départ de ce matin entre les montagnes, c'est fou cette distorsion de l'espace. On pourrait finir l'Overland demain en ayant une grosse journée. Ce moment de relaxation et de contemplation est sublime, rôtis par le soleil qu'on attentais tant, à rigoler et à soupirer que le monde est beau quand il est vierge et calme.


Mes semelles manquantes expliquent les ampoules multiples qui se superposent avec les plissures des pieds des tranchées naissants. Les 30km de cette belle et longue journée se font ressentir.

Dimanche 22 mars
On s'arrête à la hutte de écho point au bord du lac Saint Clair, le lac le plus profond d'Australie.
Je nage un peu dans l'eau froide entourée des montagnes après une sieste au soleil sur la jetée d'où certains bateaux peuvent y déposer des randonneurs touriste. Ce bain revigorant estompe un peu cette odeur sauvage qui nous suis au fur et à mesure de l'effort. Il y a un temps magnifique et une petite quinzaine de kilomètre nous sépare de l'arrivée. On a eut un bon rythme depuis le début, on a un jour d'avance sur ce qui est prévu alors plutôt que d'arriver en morceaux à la tombée de la nuit on décide de se prélasser autour de notre cabane et profiter des vacances camping. On se lie d'amitié avec un instituteur retraité espagnol de los cahorros de monachil, un petit village vers Grenada où j'ai trainé un été il y a 5 ans. Cet énergumène randonne avec un parapluie et un tout petit sac, ne mange presque rien et cantonne ses aventures à un minimalisme pittoresque bluffant. Il y a des petites vieilles aussi, qui jouent au scrabble sur une souche entre la petite plage et le ruisseau. Un groupe de courageuses en retraite qui ont le temps et qui savent le prendre avec charme. Je m'intéresse aux bois des alentours d'un œil plus précis. Quand on marche, on voit la mousse et les arbres comme un ensemble mais voit-on les minuscules détails qui se développent en lui? Les champignons colorés, le dessin des écorces, les talents d'architecte des araignées... c'est un gigantesque théâtre oublié.

On a un poêle à bois pour 8 personnes et le volume restreint rend facile la transformation du refuge en sauna. Je rentre un maximum de bûches pour la nuit et nous finissons tous par ouvrir les sacs de couchage et nous éplucher de toutes les couches de vêtements au bout de 15 minutes. Même si c'est le bois qu'on a ramassé, j'ai un peu abusé, on ne rattrape pas les nuits froides passées en se faisant cuire à l'étuvée. Une chose est sure c'est que l'équipement sera sec demain matin pour finir en beauté.


En cinq jours et demi, nous aurons laissé plus d'une centaine de kilomètre derrière et un sentiment de liberté admiratif hypnotisant. Bien qu’intérieurement je suis fier d'avoir partagé cette aventure avec Titou, je ne veux pas qu'elle se termine si tôt, je fantasme à l'idée de retrouver un minimum de confort et m'évade en pensant aux fabuleuses expériences que nous avons vécu ensemble.




"Allez aussi loin que vous pouvez le voir, et quand vous y arriverez, vous verrez plus loin." 


T Carlyle.