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lundi 29 janvier 2018

Avis, roulez jeunesse

Je continue à bosser chez Avis (location de voitures à l'aéroport), faire des tours de pistes, encore et encore. laver des bagnoles, encore et encore. Le jour la nuit, peut importe, les chèques de 1000$ tombent chaque semaine et il n'y a que ça qui compte, joindre les 2 bouts et épargner comme un écureuil boulimique pendant l’hiver. Car à chaque été heureux on retrouve les cigales qui savent aussi vivre fourmi. Je me considère décidé et persévérant, un peu extrême sur les économies parfois. De cette manière je ne reste pas bloqué des mois dans une végétation financière totalement contre productive caractéristique du backpacker débutant ne ménageant pas sa monture. C'est tentant de se la couler douce dans ce pays, surtout après une période d'auto restriction un peu dure. Flamber c'est bien, tant qu'il y a du bois, alors je bûche pour m'offrir mes dernières escapades, mes derniers désirs de vagabondage. Le temps passe vite et l'immobilisme est le pire des ennemis.

J'habite dans le quartier de Keylor Downs au 24 Carbine Way avec des indiennes (à turbans, pas à plumes) et je m'ennuie. Il commence à faire froid (hé oui c'est possible) et je suis loin de l'épicentre des tentations de la ville. En somme, la misère (d'aventure) sans le soleil.

Alors pour m'évader je cours le bush avec mon arc à poulie et je regarde game of thrones dans ma piaule sur une télé que j'ai trouvé dans la rue (et réparé).

Pendant mon temps libre, je suis souvent à la green gully reserve ou à brimbank park, pour observer la petite bande de nature autour de la rivière oubliée. Son effervescence n'est pas perçue au premier coup d’œil, ce n'est ni un zoo ni un endroit surpeuplé d'animaux exotiques. C'est un endroit où je cherche la vie se faisant discrète, où je la surprends quand elle ne s'y attendait plus. Invisible, j'observe les lapins et les oiseaux. J'ai besoin de ça, de m'immerger dans l'entrecroisement des plantes pour vivre dans ce cosmos vide d'humain et pourtant si remplis d'âmes. Capter le souffle de l'herbe ou froisser le tapis de feuilles d'un pas léger, sentir la caresse des eucalyptus à la recherche de mon équilibre, essayer de ne pas exister à la manière d'un apache confiné dans une réserve entourée par les mégalopoles nouvelles desquelles je m'efforce de faire abstraction. Ça fait réfléchir sur notre soit disante ''civilisation avancée'' qui par le colonialisme confond développement et progrès; déchirer la culture ancestrale des aborigènes jusqu'à leur insignifiance ou déraciner un arbre donne le même résultat, une perte d'authenticité par la discontinuité de transmission du savoir et des origines.
Perpétrer un mode de vie original dans une façade qui n'appartient plus à son époque est bien difficile et désolant car la majorité des gens n'y est plus sensible.


Je visite l'Organ pipe NP au Nord Ouest de Melbourne, non loin de l'aéroport barricadé de grillage anti-wallaby. Un site de choix pour les écoles qui étudient les formations géologiques des orgues de pierre dressés devant un cours d'eau paisible. J'entreprends une approche avec une maman kangourou et son petit dans le sac à main. C'est mignon. Je suis à moins de 5m quand la troupe bondi et traverse le chemin effrayants au passage un couple d'Hongkongais qui veulent en savoir plus sur eux. Je m'improvise alors ranger et guide touristique pour leur plus grand bonheur. Je crois avoir pris gout au partage de connaissances. C'est vrai que les bébés animaux sont craquant et rapprochent.

J'ai mis des annonces pour vendre mon van et voyager en avion si besoin est. Il est temps de penser à boucler la boucle et de s'évader par d'autres moyens. 4000$ de bons et loyaux services en quête d'un nouveau compagnon à combler, j'ai eut quelques frais qu'on pourrait assimiler à de l'usure normale vu l'utilisation accrue de la bête. C'est très certainement le meilleur investissement que j'ai pu faire. Cajou à été une clé qui m'a ouvert de formidables opportunités et emporté à travers ce gigantesque continent rouge. En ville, ce n'est plus qu'un voilier à quai qui frémi à la première bourrasque. C'est plutôt un poids attristant qui rappelle que je me suis cloué ici malgré les possibilités d'évasion.

"I wdzięk mam i własny dach,
Domek cały w bzach
Do twarzy mi marzyć przed domkiem we bzie
Kaziu, zakochaj się"

"J'ai du charme et mon propre toit,
(d')une maisonnette pleine de lilas
Rencontrer mes rêves face à ma maison en lilas
Kaziu (Cajou), tombe amoureux"

Aujourd'hui, j'ai pas de bol.
C'est un jour férié et je dois bosser à l'aéroport, ça paye double, c'est la fête. Sauf que ce matin, je découvre la portière de Cajou forcée. Mon arc, mon harpon, mon couteau de plongé et d'autres babioles ont été volées. Les enflures ont même pris ma montre Wostok 18jewels (que j'avais acheté en Pologne dans le quartier juif sur la Plac Nowy). Heureusement que j'avais rentré le peux de choses qui avaient de la valeur dans ma chambre sinon je me retrouvais littéralement à poil! Comme quoi, même sans avoir grand chose, la convoitise est une bien triste fatalité. Ma confiance envers les habitants de ce pays en prend un coup. Je suis triste et fou de rage, c'est un flash-back terrible qui se joue. Je m'étais déjà fait forcer mon véhicule avec toutes mes affaires de déménagement il y a quelques années (pour un tout autre bilan, mais c'est une autre histoire).  Je ne comprends pas bien ce qui se passe, le motif de cet acte. Juliette (ma collègue) était là et je la remercie pour son soutien.
Je tiens à noter que les flics australiens c'est pas les guignols de chez nous. En 30 min, 2 voitures de police d'investigation en mode NCIS étaient sur place avec relevés d'empreintes digitales, procès verbal minute, photos de la scène du crime et tout le bazar. Il faut dire que se faire voler des pics à brochette de cette pointure appelle à un niveau d’attention particulier. Au moins, l'impression qu'ils font le maximum nécessaire pour retrouver tes biens rassure et conforte un idéal de justice ou au moins la volonté de la faire régner.
Braqueur de banlieue, où que tu soit, j'espère que tu reçois toute la misère que tu mérites (et que tu décocheras cette flèche fendue qui t'éclatera surement dans la main).

Une dernière petite anecdote croustifondante pour vous qui clos ce chapitre un peu trop gangster. Il faut que je raconte la fin de mon contrat de travail chez AVIS qui restera épique tant elle est cocasse.
Tout commence un soir calme à l'aéroport, un plus grand nombre de voitures propres à garer que de sales à emmener à la station donc on fait des navettes en mini bus. Il y a des syriens, des sri lankais, des allemands, des français...et un vietnamien. Un cinquantenaire complètement perché qui parle très mal anglais et au doux prénom de ''Thanh" que certains s’amusent à adapter en "Jackie th(c)han". Puis les rictus passent à autre chose. Arrivé au carwash, je descend pour brosser la calandre de mon véhicule crépis d'insectes et j'en profite pour passer un coup sur celle du suivant qui s'avère être ce bon vieux karaté kid. Je trouve alors opportun (je n'ai pas dit de bon gout) d'exprimer virilement l'artiste quelque peut primaire que je suis sur un sur son pare-brise. Deux testiboules et une protubérance fièrement dressée vers le ciel. Déjà, ma toile disparaît sous les rouleaux de lavage et s'en va au loin, éphémère et étincelante. Le twerk des soirées mousses et les déhanchés hollywoodiens autours de Chevrolet clinquantes auraient ils inspirés mon œuvre?
La rage du dragon du dragon qui dort n’éteins pas le feu de sa bêtise. Force est de constater qu'une dizaine de minute plus tard, un asiat en furie ma littéralement sauté dessus par derrière pour me frapper à la pommette (il n'est pas très grand, pas très fort et surtout pas très courageux) et criant qu'il "allait me niquer".
Oui, exactement, à cause d'un pénis en mousse à la durée de vie plus courte que la sienne.

Je dois bien sûr m'expliquer à la direction sur ce qu'il s'est passé. Plutôt simple, il y a un bus de témoins qui m'a vu rester non agressif. Je me joue du ridicule de la situation quand la big boss (charmante trentenaire) -en conf-call avec la secrétaire qui écrit le rapport- me demande si c'est la première fois que je 'dessine' de la sorte sur des voitures. Pragmatique, j'ai répondu qu'il m'est déjà arrivé de brosser un cœur ou une fleur selon l'humeur. J'ai donc fait coïncider ma fin de contrat avec un poing final peu de temps après avec un rapport de discipline collector décrédibilisant mon agresseur de la même manière que tout avait commencé : par un sourire.