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dimanche 31 mai 2015

Melbourne

Promesse tenue, je suis à Melbourne pour le dernier jour de 2014! Je vais retrouver Christelle qui loge à Fitzroy au bout de Brunswick streets à l'hôtel royal derby. On papote après cette absence de quelques mois, nos aventures, nos itinéraires, nos projets et notre présent en oubliant les résolutions, c'est pour les gens qui veulent changer. On va fêter copieusement cette transition ensemble, voir le feu d'artifice grandiose au centre ville tiré depuis les gratte-ciels se reflétant sur la Yarra river. On va chercher Tristan en service dans son restaurant, il est serveur au tuto bene à south bank, en face de l'emblématique station de train de Flinders street. Le cadre est joli, illuminé des étincelles de la ville dans toutes ses strates, juste au dessus de la cime des arbres de l'esplanade ombrageant la promenade toujours animée. Ce soir, les rues sont bondées, nous assisterons au show malgré la foule compactée qui sait apparemment à quoi s'attendre. Les crépitantes étoiles semblent pleuvoir dans ce désordre coloré étincelant les traits stroboscopiques entre les constructions élevées. Je me sens comme un indien dans la ville, dépassé, émerveillé et perdu par tant de nouveauté, de mouvement, d'émotion et d'excitation, entouré d'une forêt de béton accueillante. Je monte les escalators menant au restau pour voir ce blond d'alsacien en plein labeur. J'ai cru qu'il allait lâcher les assiettes quand il m'a vu. Ce soir sera magique, c'est une métropole très attirante, classée meilleure à vivre au monde 4 années d'affilée, et on voit immédiatement pourquoi. Tout le monde est relax, ouvert, souriant, des tonnes de cafés arty et de clubs tendances, des musées et des expositions tout le temps, il n'est pas possible de s'ennuyer.
On sort en mode hardcore dans plusieurs boites de nuits dont j'ai de très bons souvenirs malgré la mémoire apparemment vaguement altérée, le sourire plus que grand ouvert, la fatigue n'est pas au menu. Un petit selfie avec un flic motard puis on va se coucher à 10h30 chez Tristan. En vrac mais super heureux en mode fier comme un main ken pis depuis le balcon du 19ème.

À ma plus grande surprise, encore embrouillé par ce changement de calendrier mouvementé, ma pote Chika me réveille. C'est une japonaise rencontrée à Broome qui a apprise que j'avais atterris dans la chambre de Tristan et qui pensait que me sortir une quenelle matinale en mode perdu de recherche une demi heure après avoir cinglé des yeux serait une bonne surprise. On descend au "pie face" un restaurant rapide qui vend des tourtes à la viande et on débrief nos parcours depuis notre dernière rencontre. Quelque part, ces amis de voyage sont une famille d'adoption et des potes en même temps, remplissant un rôle bien plus vaste que le simple divertissement. C'est un support béton et un clin d'œil malicieux qui arrange tout. Et là, je peut dire qu'ils m'aident vraiment bien. Je ne veux pas m'engager à louer un appartement sans avoir de boulot au préalable sans compter que je ne peux pas me permettre de payer une caution et un loyer au vue de mon décompte en banque aux allures de sécheresse estivale. Alors bubule et moi, on se contente de clic-clacs, matelas en mousse de camping ou tapis de yoga sur du parquet en attendant les jours meilleurs. Je squatte chez Morgane et Christelle à Fitzroy, c'est un quartier en plein boom, blindé de restaus fancy, de bistros conceps et des ruelles pavées magnifiquement taguées. Une Mecque pour artiste et hipsters où je m'épanouis à vivoter, errant, de bohème et de poèmes, me créant un Montmartre bien personnel dans ce melting-pot prolifique. Je vis la bohème d'Aznavour, répands la fraîcheur des roses de Ronsard et recherche le soleil au goût de miel de l'auvergnat dans chaque instant.

Le bon temps passé à demander les clés à la fenêtre pour rentrer dormir sur un sol doit arriver à terme. On a visité tous les musées gratuits de la ville, usé une paire de semelles de chaussures bon marché de k-mart au lieu de prendre le tram, et là j'ai une dure période de stagnation. Il faut vraiment que j'économise et que je trouve une occupation lucrative, car comme aurait pu le dire DSK : 'ce n'est pas en se vidant les bourses qu'on se rempli les poches.'

Mon projet d'aller en Tasmanie au début de février ressemblant au plan économique de la Grèce, je décide d'attendre Tristan qui voudrait partir avec moi pour se perdre dans les montagnes quelques semaines et faire du stop en mode budget. Prendre le van sur le ferry coûte un bras et les deux jambes et comme on en a besoin, on va prendre l'avion. Il me reste pas mal de temps avant le 16 mars, date prévue du départ. La recherche de boulot me rend de plus en plus soucieux, ma patience se consume à feu doux. Le bien venant à qui sait attendre, je rencontre des gens merveilleux un soir quelconque dans le tram. Un homme dans sa soixantaine, entame une conversation à propos de jeunes danseurs de hip hop dans une petite rue du cbd en face de l'arrêt, du style : ça doit être des délinquants, des drogués sans avenir, c'est bizarre de faire ça dans des lieux publics... Je me sens comme responsable d'argumenter en faveur de la diversité et exposer des faits indispensables à l'évanouissement d'un cliché absurde. Je suis visé personnellement, c'est une atteinte à l'esprit de fraternité de l'art auquel je suis plus que rattaché actuellement, il me définit.

'On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l'on aime.' J Cousteau

A ça débouche sur un historique sur les origines de ce street art et son expression, de l'image que ça véhicule. On dévie sur l'empoi, l'utilité des backpakers comme moi en Australie, la main d'œuvre pas chère et les avantages que ça apporte au pays d'importer des pseudos esclaves saisonniers. En descendant à son arrêt, il me tend 40$ 'pour aller m'acheter une bière australienne'. Enfin un fervent patriote qui reconnais son ignorance et qui accepte d'apprendre sans être agressif.
Suite à ça, une néo-zélandaise me montre la direction dans laquelle je doit aller et on marche ensemble jusqu'à mon van qui s'avère être parqué devant sa maison. Comme n'importe quel étranger à qui tu parles 2 minutes (satire) elle me propose de m'installer dans son jardin et d'utiliser ce dont j'ai besoin dans la maison le temps de me trouver une vie plus stable. Je resterai trois semaines jusqu'à ce que la composition de la colocation change et qu'un globetrotteur qui fait ces vidanges dans le fond du jardin dérange.

Claire, Ryan et Caro sont une bande de potes parachutés dans un micro climat australien qu'ils intègrent bien. C'est ensemble qu'on passera le jour national australien. Ça consiste à boire de la bière autour d'un barbecue et écouter le top 100 des chansons de l'année sur la station de radio jjj. Comme c'est un pays de joueur, on fait des paris sur le top 5. Je m'essaye à la longboard dans les rues et je rencontre plein de gens qui, de fil en aiguille, m'amène jusqu'au Carlton park, à boire autour d'un poste stéréo à batterie comme dans les 90's. La planche à beaucoup de succès, c'est une large latte de plancher rouge sur laquelle ont été vissés 2 trucs de longboard. Je retrouve mon voisin Snoopy et on fini avec ses potes dans un bar typique aussie (c'est à dire de la bière pas chère, du chicken parmi et des TV avec le sport).

Je prends le temps de m'asseoir en tailleur et de réfléchir sur l'utilité et la légitimité d'un tel événement national. Quelques décennies de ça, seul des aborigènes en pagne couraient libre dans le désert et dans les forêts, depuis des milliers d'années et certainement pendant des milliers d'autres à venir si la démagogie possessive des blancs soit disant civilisés avides de pouvoir, de conquêtes et de possession n'avaient pas planté de drapeau en Océanie. Les richesses et les valeurs fondamentales de la vie en communauté ont de bien différentes définitions et il est toujours facile de demander pardon quand le mal est fait. J'ai lu le bouquin de Sally Morgan, 'my place' une autobiographie sur 3 générations d'Aborigènes et de dilution d'identité, de racisme et de mixité familiale bien au goût du jour.
Ça fait presque un an que je suis arrivé en Australie, il va falloir renouveler mon visa dans ce pays qui célèbre fièrement ses valeurs récentes d'invasion émigratoire dans un pays complexe fait d'histoires aborigènes mal blanchies par des colons à l'image noircie.
Et moi, dans cette île meeting pot loin de tout, j'évolue.

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