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samedi 11 janvier 2014

Himalaya trekking Annapurna

J'arrive enfin dans les montagnes. L'Himalaya. la chaine des Annapurna. L'entendre me fait frémir comme si j'entrais dans un paradis affabulé, interdit par des forces supérieures. Ce désir fou de rencontrer un sommet intérieur dépouillé de tout artifice, intriqué dans un univers majestueusement imposant m'attire vers le haut. Une aspiration réflexe de survie, prendre de l'altitude,  s'élever, décrocher la pesanteur graduellement et suspendre son âme auprès du ciel. Ce n'est ni un but ni une vanité flatteuse que de se mesurer à cette immensité mais un appel. Je suis au début d'un chemin sans arrivée claire ou les lignes se croisent et se percutent en chaos de beauté. Le présage d'une vibrante aventure à vivre.

Nous entamons une marche d'une dizaine de minutes pour atteindre le point de check point à côté du pont de bois enjambant le torrent. Des officiers contrôlent les laissés passés pour limiter le nombre d'inconscients potentiels qui voudraient s'aventurer sans matériel dans cet environnement hostile. Il faut présenter deux permis, un pour le trek et l'autre pour entrer dans le parc national des Annapurna. Je  songe à l'utilité des gardes frontières qui voudraient réguler l'immigration clandestine en se postant à cet endroit  : une ridicule barrière aux pieds de la plus imposante forteresse d'altitude, rempart naturel absolu et à sens unique, vaine tentative humaine de réguler l'incontrôlable.

Je ne pensais pas trouver une végétation aussi dense et aussi typée jungle. Ce biotope intermédiaire entre les exceptionnels hauts sommets rocailleux et les villes du bas font disparaitre médiatiquement cet environnement magnifique. Des lits de fougères, s'entremêlent d'une forêt de bambous géants. Les lianes, les singes blancs, les buffles, s'ajoutent au paysage des poules en liberté (OK, c'est pas exotique mais elles parlent Népali). J'enregistre le tracé GPS qu'on emprunte histoire de voir les dénivelés et le rythme. L'application de la tablette que j'ai choisi dans  la précipitation n'est pas faite pour calculer les distances et vitesses en plan incliné mais a l'avantage d'être économique en batterie. On arrive après 4 h de marche de légère montée dans un village de 10 maisons en pierres blanches ou de tôle, chapeautée d'un toit en chaume fumant d'une cuisine au feu de bois dans un chaudron. La cabane au fond du jardin et la douche au seau d'eau glaciale est facultative et commune au hameau. On sent vraiment la différence entre la ville et la montagne, toute  action prend une éternité et chaque gramme est compté.  Cet écosystème presque parfait de micro sociétés retirées me fascine. Un petit garçon est dans la cour, à jouer sur un tabouret en osier, à cheval dessus, c'est une balançoire, un tambourin et un siège. Je n'ai pas vu de jeux, seulement une peluche et des cailloux pour un bonheur simple. Son père rentre à la maison avec quelques bonbons, les offrent à son fils qui rayonne de joie et qui s'empresse de m'en donner un. C'est très touchant et surprenant, chez nous on ne verrais pas ça, du moins pas dans notre époque. J'ai le sentiment d'être projeté 70 ans en arrière, alors à la Marty Mac Fly  je sort mon appareil photo pour témoigner de ce vieillissement dans le futur. Il ne savent pas ce que c'est une go pro ou une tablette, avec des signes j'essaye de me faire comprendre, je vole quelques clichés... On boit du vin de millet en mangeant des graines de soja épicées  et grillées puis un dal bath. Cette famille connait mon guide ce qui rapproche encore un peu les regards et les échanges. Il est déjà l'heure de se coucher. Il est 20 h, les poules dorment depuis longtemps et les léopards ne rôdent plus. Demain sera une grosse journée.

Jour 2. On a prévu de faire 20 km, 2000 m de dénivelé. On en fera 25 et 2300. Le but était de se rapprocher le plus possible du camp de base qui se situe a 4130 m pour atteindre le sommet au Jour 3 tôt le matin. Au bout de 5 h de marche en montée escarpée, il est temps pour une pause.  Je pense alors ne pas être capable d'arriver à mes objectifs. Après manger un coup de boost me prend et l'énergie me pousse a fond, je me sent super bien, le cadre est magnifique, j'ai définitivement laissé la pollution de Katmandou et le nez bouché que ça m'avait filé pour une symbiose avec les éléments des vastes espaces. On ne s'arrêtera pas, des heures et des heures de marches à gravir, le sac a dos toujours plus lourd (un petit 10 kg) je me demande pourquoi j'ai pris tant d'affaires...on laisse une paire de basket au village de Chomorung qu'on reprendra en descendant. Je me retourne et vois au loin notre point de départ et j hallucine sur la distance, il reste encore un bout à faire, je sens que ça tire dans les mollets. Je n'ai pas du tout eut le temps de me préparer physiquement et je le sent un peu. Surtout dans les montées, parce que ceux qui ont déjà marché avec moi savent que la descente c'est mon truc et que très peu suivent mon rythme. Même le guide n'en reviens pas. On est en moyenne 2 à 3 fois plus rapide que la moyenne. On traverse des petites rivières via des ponts en bois ou des ponts suspendus de 100 m, croisant sherpas et animaux. Je songe beaucoup et reste très silencieux.  Puis je trébuche sur une pierre et m'éclate le tibia droit sur je ne sais trop quoi. L'espace d'un instant, je me projette dans l'incapacité de continuer et la solution la moins critique pour redescendre avec une jambe cassée. Il y a des endroits dans le monde ou il ne faut pas se permettre certaines erreurs. Par chance, je n'ai qu'un bel hématome qui ne me gêne pas.

On arrive au refuge de ''Bambou'', notre point d'arrivée avec 1 h d'avance. Je suis cuit. Je rencontre deux australiennes de Perth et on échange les bonnes adresses, elles sont cool, je sais que je les reverrai la bas. Mon guide me propose d'aller plus haut histoire de profiter de la matinée au sommet. Il faut rajouter 1 h. Alors dans l'élan de folie qui me caractérise j'accepte le défi. Et si j'accepte, je réussirai. C'est la règle intransigeante que je m'impose. On a réussit, finalement, à arracher ses derniers pas poussifs qui se font sentir à 3200 m. J'ai la larme à l'œil. Celle de l'effort et de l'accomplissement. Celle de la beauté et de la récompense du coucher de soleil dans la vallée, reflétant ses couleurs fauves sur les dents acérées de l'Himalaya qui nous entourent. Pour les quelques valeureux mousquetaires colloques et amis qui ont fait l'ascension du Canigou dans les Pyrénées en 2013, c'était a peu près le double de l'effort. 3000 m de dénivelé positif, 1000 de négatif 8h30 de marche sans les pauses. Il faut normalement 3 jours pour atteindre le sommet, on l'aura fait en moins de 2 jours. Je m'endors  emmitouflé dans mon sac de couchage, une couverture par dessus. Dans le camps de ''Deurali'' règne un froid glacial la nuit, bien en dessous de zéro. Je ne passe pas une très bonne nuit, un mal de tête me prend et le gel me prends les sinus, alors je tiens compagnie à la souris qui traverse ma chambre pour se réchauffer. Je suis chez elle, pas l'inverse. Demain c'est le saint graal qui tendra ses bras.

2 commentaires:

  1. c'est dingue ce que la motivation arrive à nous faire endurer.
    étape suivante attendue avec impatience.
    cool les vacances
    dad

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